4. Travailler avec des « vétérans » du jeu

Iwata :

Tandis que Zelda avançait avec Capcom, que faisiez-vous, Aonuma-san ?

Aonuma :

Majora’s Mask était terminé et le développement de The Wind Waker 16 avait débuté. Nous créions d’un côté un jeu Zelda en 3D, de l’autre un jeu pour console portable avec Capcom. Les deux projets avançaient en parallèle. 16The Legend of Zelda: The Wind Waker : jeu d’action/aventure sorti en Europe en mai 2003 sur Nintendo GameCube.

Iwata :

Deux jeux Zelda développés en collaboration avec Capcom sont sortis, n’est-ce pas ?

Aonuma :

En 2001, Oracle of Seasons et Oracle of Ages sont sortis et en 2004, The Minish Cap 17. J’ai repris le développement de The Minish Cap peu après être devenu producteur. 17The Legend of Zelda: The Minish Cap : jeu d’action/aventure sorti en Europe en novembre 2004 sur Game Boy Advance.

Iwata :

Et tandis que vous travailliez sur The Minish Cap, vous prépariez Twilight Princess 18. 18The Legend of Zelda: Twilight Princess : jeu d’action/aventure sorti en Europe en décembre 2006 sur Wii et Nintendo GameCube.

Aonuma :

Exact. Et tandis que nous faisions Twilight Princess, nous travaillions sur Phantom Hourglass 19 pour la DS. 19The Legend of Zelda: Phantom Hourglass : jeu d’action/aventure sorti en Europe en octobre 2007, premier titre de la série Zelda sur Nintendo DS.

Iwata :

Qui vous a mené à Spirit Tracks.

Aonuma :

Oui. Il a fallu trois ans pour terminer Phantom Hourglass et deux pour Spirit Tracks. Dans le monde de Zelda, on dirait que cela s’est déroulé comme sur des roulettes. (rires)

Iwata Asks
Iwata :

Oui, sans doute. (rires) Tezuka-san et Nakago-san, j’ai entendu dire que vous n’aviez pas participé directement au développement de Spirit Tracks, mais que vous aviez servi de testeurs en cours de route.

Tezuka :

Nous étions conseillers.

Nakago :

J’étais le conseiller le plus expérimenté.

Iwata :

(rires)

Nakago :

Nous avons joué au jeu pendant sa phase de développement et avons donné nos impressions. J’y ai joué jusqu’au bout et je l’ai trouvé bien.

Aonuma :

Ne dites pas ça, Nakago-san ! Très souvent, vous vous arrêtiez de jouer en disant : « Ça ne va pas ! » (rires)

Nakago :

Oui, mais bon...

Aonuma :

Hmm... Je vais vous dire ce qui s’est passé. Pour les jeux Zelda, on a besoin de prendre tout spécialement en compte les personnes qui y jouent pour la première fois. Comme Miyamoto-san, en tant que producteur je surveillais la boutique et j’ai été strict dès le début du développement. Ensuite, à mi-parcours, deux conseillers seniors nous ont soudainement rejoints. Mais comme ils ne faisaient que du test, ils ont rapidement dépassé le stade auquel j’étais rendu.

Iwata :

Et bien sûr, ils trouvaient des problèmes à des endroits que vous n’aviez pas encore retravaillés. (rires)

Aonuma :

Ils m’ont réprimandé à propos de choses que je n’avais pas même encore vues, me disant : « C’est bien jusque là, mais ensuite quelle horreur ! » Je suis donc allé à toute vitesse pour combler mon retard.

Iwata :

Je sais très bien comme leurs mots peuvent être durs lorsque deux éléments du trio comique commencent à faire des critiques.

Tezuka :

Mais ce n’est pas le genre de choses que l’on peut dire au reste de l’équipe...

Aonuma :

Dire « ça ne va pas », ce n’est pas si mal en comparaison. Comme ils se sont peu à peu fatigués, ils ont fini par pousser des soupirs sans lâcher un seul mot ! (rires)

Iwata :

J’ai entendu quelqu’un utiliser l’expression « vétérans » du jeu.

Aonuma :

Oui. C’est moi qui l’ai prononcée. Lorsque j’ai fait part de leurs impressions à l’équipe, nous nous trouvions dans la dernière étape du développement et personne n’avait de temps, mais je devais dire à l’équipe ce qu’il fallait corriger. J’ai dit : « Il est important d’élargir la tranche d’utilisateurs ciblée, pour que même les « vétérans » du jeu puissent y jouer ! »

Iwata :

Ah ah ah ! (rires)

Aonuma :

Et comme nous l’avons évoqué la dernière fois, la façon de résoudre les énigmes est différente cette fois-ci.

Iwata :

Il y a des énigmes d’ordre scientifique, c’est bien ça ?

Iwata Asks
Aonuma :

Oui. Dès lors, si nos deux joueurs seniors disaient un peu trop « je ne comprends pas », cela signifiait que ce serait probablement difficile même pour ceux qui jouent à Zelda depuis le début. Donc en définitive, nous avons quelque peu modifié le jeu.

Nakago :

Ça allait. Cette fois-ci, au moins, Miyamoto-san n’a pas « retourné la table à thé ».

Iwata :

Pour être honnête, cela m’inquiétait, car il a été pris pendant si longtemps par New Super Mario Bros. Wii que j’avais l’impression qu’il n’aurait pas la possibilité de voir le nouveau titre Zelda avant un moment. Certains d’entre nous craignaient que vous ne finiriez pas à temps pour la date de sortie. Mais lorsque j’en ai parlé à Miyamoto-san, il m’a dit que ça se présentait bien, ce qui m’a énormément soulagé.

Aonuma :

Mais je me rappelle la fois où nos deux joueurs seniors sont allés voir Miyamoto-san et où tous trois ont commencé à parler à voix basse. Ça m’a donné l’impression qu’une contre-campagne s’engageait !

Tous :

(rires)

Aonuma :

Je me suis dit « oh oh... » et suis allé à toute vitesse demander ce qui se passait. Ils parlaient de la manière de résoudre une énigme qui résistait à Nakago-san. J’ai dit : « Nakago-san, je parie que vous n’avez pas vu telle chose à tel endroit », puis Miyamoto-san a dit : « C’est peut-être dans le jeu, mais si Nakago-san ne l’a pas vu, alors d’autres joueurs ne le verront peut-être pas non plus, ce qui revient au même que si ce n’était pas dans le jeu. »

Iwata :

Lorsque l’on crée le monde d’un jeu, on suppose facilement que les joueurs se comporteront de telle ou telle manière.

Aonuma :

Oui. Ce n’est pas parce que la solution est dans le jeu que l’on doit se reposer sur ses lauriers.

Iwata :

Il faut penser à tous les types de joueurs. Pour ceux qui ne réussissent pas à attraper le champignon, il faut mettre un tuyau pour que le champignon revienne*. * Voir Iwata demande : New Super Mario Bros. Wii pour découvrir comment Super Mario Bros. a été conçu pour que tous les joueurs soient assurés de ramasser le premier champignon.

Aonuma :

C’est mon avis.

Tezuka :

Mais le jeu final donne une excellente impression. On sent vraiment l’enthousiasme des développeurs lorsque l’on joue, et le respect accordé aux principes fondamentaux de Zelda, par la conservation des bons éléments des jeux précédents et l’ajout de nouveautés ici et là.

Nakago :

C’est vrai. Lorsque l’on joue, on a l’impression que les bons éléments du jeu précédent, Phantom Hourglass, ont été gardés. Il n’a pas simplement été fait fi des anciens éléments.

Iwata Asks
Tezuka :

C’est vrai. On gâche tout si on s’efforce par tous les moyens de faire mieux qu’avant, mais qu’en même temps on se débarrasse de bons éléments du fait même qu’ils sont vieux et que l’on intègre sans discernement des éléments nouveaux. Ce n’est pas parce que quelque chose est nouveau qu’il est forcément bien.

Iwata :

Tout comme pour New Super Mario Bros. Wii.

Tezuka :

Oui. C’est en général ce qui arrive, mais cette fois-ci c’était complètement différent. Lorsque le développement a été terminé et que j’ai parlé avec l’équipe, tout le monde a dit que cette fois-ci le développement avait vraiment été amusant.

Iwata :

Comme pour Link’s Awakening.

Tezuka :

Oui, c'est vrai.

Iwata :

Par expérience, lorsque les développeurs disent qu’ils se sont amusés, le produit final est bon.

Aonuma :

C’est la raison pour laquelle je pense que le développement a dû être amusant cette fois-ci. Nous avons créé un jeu satisfaisant, et j’ai pris du plaisir à y jouer.

Iwata :

Même s’il a fallu travailler avec des « vétérans » du jeu... (rires)

Aonuma :

Je ne suis pas loin d’être un « vétéran » moi-même. Je les rejoindrai d’ici peu. (rires)

Tous :

(rires)